Ultra Ebre (5 juillet)

 

Maryvonne :

Eh bien voilà, cela fait une semaine que cette aventure est terminée bien que dans ma tête je suis encore dans l’enchantement, et les photos de l’organisation sont arrivées pour pouvoir la partager !

C’est la plus grande distance que j’ai jamais nagée, 30,8k en 5h55 bien que à Menorca l’an dernier j’ai nage plus longtemps (25 km en 8h40).

Cette différence résume à elle seule ce qui fait de l’eau libre une pratique diamétralement opposée à la nage en bassin (pour autant nécessaire à la préparation et bien pratique que le milieu naturel aquatique n’est pas à portée de bras…). La variété des environnements (eau douce ou salée, chaude ou froide, lacs, mer, rivière), augmentée par l’effet des conditions climatiques et hydrologiques (vent, vagues, courants, températures, ) , naturelles (méduses, algues…) et humaines (pays, organisations de courses, participants et leur nombre, etc..) fait que chaque expérience est unique et imprévisible dans son déroulement…

L’UltraEbre s’est déroulée dans les derniers km de l’Ebre entre Tivenys et Amposta, alternant des parties sauvages et la traversée des villes. Peu de participants (29 au départ) et une organisation très familiale mais pour autant très professionnelle centrée sur Lluis, sa femme Julia et quelques amis dont le directeur kayaks. Car dans cette course chaque nageur est accompagné d’un kayak qui transporte son ravitaillement et l’assiste pour trouver son chemin dans les courants. Les kayaks rejoignent les nageurs à 2k en contrebas du départ à un endroit ou le courant et donc les allures sont très élevées. Au kayaks et nageurs s’ajoutent des embarcations des services de la navigation et autres kayaks dédiés à assurer le bon déroulement. Reste à préciser que l’eau était à 25 °C et bien sur les combinaisons néoprène interdites !!!

Je suis arrivée le jeudi sur place, pour pouvoir assister à la reconnaissance en rivière qui avait lieu vendredi matin. On était 5 nageurs (avec Manuel et Adrian des Iles Canaries, Roberto Mayoral l’Ironman fou et frileux, et Fernando originaire d’Argentine) à profiter de cette proposition qui consistait à aller au point de départ et nager 45 minutes en descente, accompagnés par un bateau des services de la navigation. Alexis, de la Havane souhaitait se reposer.

La nature de l’organisation et l’ambiance de la course s’est fait ressentir dès mon arrivée à l’hôtel indique par l’organisation. Dans le hall d’entrée je croise un homme qui m’appelle par mon prénom, c’était LLUIS qui avait demandé des selfies à tous les nageurs et connaissait par cœur ses participants. Malgré toutes les tâches d’organisations qui leur incombaient avant et après la course j’ai été conviée à manger avec Lluis et sa famille à tous les repas. Ayant fait le déplacement seule, cela a rendu très convivial le séjour.

Vendredi soir, j’ai également rencontré Marie-Pierre et François qui venaient de Carcassonne. Le briefing a été l’occasion de bien comprendre l’organisation, y compris les « cestas » perches de ravitaillement au normes FINA faites d’un manche à balai et d’une passoire en plastique coloré, la méthode de rencontre entre kayaks et nageurs (identification des nageurs et kayaks). Le moins détendu était le directeur de course dont la responsabilité est de « chanter » les numéros des nageurs qui passent à ses kayaks en espérant que ceci ne dérivent pas et ne s’endorment pas… Autre détail sur les conditions il nous annonce un débit de 220m3/s contre 95 l’édition précédente et une crue en cours de journée. Cela va pousser, ne vous inquiétez pas pour les barrières de temps…

Le suspense commence pour moi car ma kayakiste n’est pas là elle prévient qu’elle arrivera à 5h le matin. Lluis me rassure. Il a des kayakistes en réserve pour les imprévus. Oui mais …30 km cela me semble énorme et j’aimerai bien montrer mes gourdes de couleurs différentes, mes gels et compotes à mon équipier…

Le soir je rassemble les affaires de courses… par rapport à un triathlon il y a vraiment 3 fois rien !

Samedi matin nous avons RDV à 5h15 en salle de petit déjeuner. Je me lève à 4h car là j’ai beaucoup à faire : la douche tiède pour virer le sable qui coince les articulations, le gato sport, preparer les x gourdes dans la glacière avec l’eau que j’avais mise au frais la veille, placer les autocollants, commencer le tartinage d’écran solaire, mettre le maillot de course, contrôler que tout est ok… Pour les autocollants je suis très fière de ma nouvelle technique solo (il faut en mettre sur les omoplates). Je pose une serviette mouillée par terre et me roule dessus pour mouiller le carton. Cela marche tellement bien qu’il m’en reste encore des traces dans le dos ! Inquiète au sujet du kayakiste, je glisse des grands gels hydratants au niveau des cuisses dans le maillot de bain… Ceux qui me connaissent savent qu’une de mes plus grandes peurs en course (avec les barrières de temps) est d’avoir faim ou soif !!! Ceci étant fait je suis presque sereine et prête à me jeter sur les tasses de café au petit déjeuner, malgré le gateau sport j’ajoute aussi une tartine à la tomate huile d’olive et au serrano….pour le plaisir.

Après le petit déjeuner Lluis me présente mon nouveau kayakiste Sergi, un jeune garçon a qui j’explique rapidement le contenu de ma glacière. Nous partons dans les bus séparés puisque les kayaks et nageurs ne partent pas du même point.

Arrivés à Tivenys, nous avons peu de temps pour finir les préparatifs mais pour moi c’est ok puisque à part le « trou du dos du maillot » tout été fait avant. Je rajoute quand même de l’écran solaire aux molets et le cou histoire de ne pas ressembler à une gambas grillée la semaine prochaine en audit…

Nous allons sur le ponton et le départ est très vite donné. Heureusement car la mouche noire de l’Ebre sévit : elle mord et ne pique pas. A chaque morsure le sang coule un peu de la peau… la démangeaison sera terrible après.

A mon habitude je me jette dans l’eau dans les derniers (pas envie de me retrouver dans la cohue…)

Le courant nous embarque vite. J’oublie les repérages et réflexions de la veille et essaye de suivre les nageurs de devant. Les sensations sont agréables, l’eau tiède, je n’ai jamais nagé aussi vite de ma vie. Le soleil se lève. Les abords de la rivière sont sauvages. C’est magnifique (et le photographe l’a bien restitué !). Les allures sont en-dessous de 1 min/100m , 38 s dans les secteurs les plus rapides. Cette vitesse facile est grisante même si on est prévenus que cela ralentit au fur et à mesure et se complique à la fin avec des vagues et du vent de face.

Nous arrivons au bout d’1 h20 environ  à la hauteur de Bitem ou le « chanteur de numéros » est à l’œuvre pour réunir les kayaks et les nageurs. Les kayaks arrivent. Et s’insèrent dans la course. Je ne vois pas le mien. Je reste près de 2 autres nageurs, me disant qu’ils me donneront bien un peu d’eau, et me réjouis d’avoir les gels de secours sur les cuisses. Sergi mon kayak me rejoint un peu avant Tortosa et entreprend de me désaltérer. Tortosa c’est la première barrière de temps (3h) je la passe vers 2h05 , c’est excellent pour le moral ! 15 KM en un peu plus de 2 h aussi !

Si dans la partie rapide les positions des nageurs changeaient beaucoup, cela se stabilise et je me retrouve souvent avec le 21, Tony, qui nage plus vite mais s’arrête plus longuement que moi pour ravitailler. Au bout d’un moment je lui demande si cela ne l’ennuie pas que je le suivre et nous ferons donc les 4 dernières heures ensemble. Ceci me rassure car Sergi est très gentil, m’encourage et maitrise son kayak ainsi que la perche d’avitaillement, mais ne semble pas aussi expérimenté que les 2 accompagnateurs de Tony en kayak double. L’orientation est importante car elle permet de profiter des meilleurs courants et de ne pas s’échouer ou buter sur un obstacle ! Bien sûr au fur et à mesure ou le courant ralenti c’est aussi très encourageant de ne pas se retrouver seul au milieu du fleuve. Je cale donc mes pauses sur celles de Tony. Nous arrivons avec une assez bonne allure aux 20 km, puis je sens le découragement venir. J’ai l’impression de nager nager et je n’avance pas…Au bout d’un moment je demande au kayakiste de Tony leur distance et à ma grande joie on est à 25 km et non 20 km ! De nombreux nageurs auront eu la panne de GPS … 25 km (en fait le mien a profité d’un passage près du bord pour me faire sortir de l’eau et aller sur une route !!!!) c’est aussi la 2eme barrière de temps de Camp Redo de 6 h qu’on passe à 4h et quelque. Même si la fin s’avérait difficile on a largement le temps. La fin a finalement été plus compliquée, presque plus de courant, vagues de face, vent. Mais l’excellente préparation dans la houle et les courants du cap d’Agde, les informations qu’on avait reçu sur cette partie, et surtout l’avance sur le temps limite font que malgré la fatigue, on passe l’un après l’autre les ponts d’Amposta que l’on compte avec application, lentement mais sans problèmes particuliers. Sergi m’encourage et commence aussi à fatiguer (dos, mains, soleil…).

Enfin on longe les quais et on arrive sur le ponton de l’arrivée ! Les kayaks auront à remonter 200 m à contrecourant pour sortir de leurs embarcations. L’accueil est très chaleureux à l’arrivée : boissons, médaille bisou, photos… il est aux alentours de 13h.

Après avoir retrouvé les nageurs qui sont arrivés et continuent d’arriver, nous avons accès au centre nautique ou je reste un long moment sous la douche pour me délasser et enlever la crème solaire extrêmement collante et efficace (en fait crème pour fesses de bébé…). C’est alors que je vois arriver Marie Pierre accompagnée, qui a héroïquement fini la course sur un bras et ne bouge plus le bras droit. Elle est heureuse d’avoir fini mais a besoin d’un coup de main pour se changer.

Pour la première fois je fais une place au scratch féminin, 3eme derrière des « flèches » à peine plus jeunes que moi, également 1ere de plus de 50. L’organisateur souhaitant récompenser le plus grand nombre attribue les places des catégories aux nageurs n’ayant pas fait le scratch. J’aime beaucoup cette pratique qui permet d’encourager un grand nombre d’amateur comme nous ! François et Marie Pierre étant rentrés plus tôt à l’hôtel, ils y recevront leurs récompenses.

L’après-midi sera consacrée à la récupération : demain une longue route et quelques surprises m’attendent. Dimanche matin je prends donc tout mon temps et le plaisir de déjeuner avec Marie Pierre qui va un peu mieux, Lluis et sa famille, découvrir tous les messages d’anniversaire avant de découvrir que la batterie de ma voiture que j’avais laissée feux allumés est à plat. Mais après une course aussi belle, cette panne et les tracasseries qui en découlent (dépannage, retard au RDV avec mes passagers Blablacar…) ne parviennent pas à me gâcher le WE. Je n’ai à faire qu’a des gens serviables, gentils et compréhensifs qui me facilitent les démarches, je me sens en forme, ravie d’avoir réussi ce défi qui me faisait trembler depuis des mois !

J’avais nagé les 25 km de Menorca, le Marocco Swim treck et le raid Formentera pour préparer les 30 km et il s’avère que les 30 km étaient quand même bien plus faciles que Menorca ! Ne connaissant pas les nageurs des années précédentes je n’avais pas compris l’avantage apporté par le courant au vu des résultats.

C’est une course très belle, conviviale, ludique et originale par son « hydrologie » que je recommande vivement à ceux qui veulent vivre des expériences insolites à la nage ! Surtout beaucoup plus accessible qu’il n’y parait.

Enfin cette course se fait au profit d’une association pour soutenir les malades de la Sclérose Laterale Amiotrophique représentée y par la meilleure nageuse Cristina, 49 ans qui finit 1er féminine en 5h13 !

 

Photos :