GRP – l’ultra by Jérome

Salut les Taras,

Voici le récit du gars qu’on voit toujours sourire sur les livecams — même quand ses jambes se sont fait la malle — et qui vient d’accomplir ce qu’il pensait impossible, il y a encore quelques années : boucler son premier 100 Miles.

Évidemment, ça ne s’est pas fait en un claquement de doigts ni en une saison. Ça fait un moment que je rallonge les distances et que je me tourne vers les trails bien montagneux. À la base, on était deux à viser la Diag’ cette année. Mais avant ça, passage obligé : la Course des Étoiles (75 km, 5500 D+). Verdict : pour moi ça passe (juste), mais mon pote doit jeter l’éponge au 40e. Le projet Réunion est mis en stand-by, le temps qu’il retrouve l’envie et la confiance sur du long. Ce n’est que partie remise et c’est une course que j’ai envie de partager avec lui.

Alors j’ai cherché une autre aventure… et le GRP s’est imposé comme une évidence. Je sais, pour un premier 100 miles, on a vu plus « doux ». Mais voilà : c’étaient les montagnes de mon grand-père. C’est lui qui, sans le savoir, m’a transmis ce goût de la montagne. Enfant, je passais mes étés à l’aider à faire la transhumance de ses Mérens — des souvenirs qui ne s’oublient pas, et qui expliquent pourquoi, aujourd’hui encore, j’ai toujours le sourire quand je cours ici.

La prépa

Côté préparation, j’ai mis le paquet : plus de volume, mais surtout un gros focus sur la nutrition. Parce qu’honnêtement, c’est souvent là que ça coince : crampes, nausées, ventre en grève au bout de quelques heures. J’ai donc décidé de m’entraîner… à bouffer ! Chaque sortie, c’était mission « ravito embarqué » : une flasque Iso + une collation par heure minimum. Résultat : moi qui finissait toujours un plan d’entraînement avec trois kilos en moins, cette fois je n’ai pas perdu un gramme.

Le départ

Jour J. Je pars du camping, à 2 km de Vielle-Aure — histoire de rajouter quelques kilomètres gratuits avant même la ligne de départ.

Dans le sas, l’excitation est là… mais la peur aussi. En gros : « j’y vais, mais j’ai peuuuuur ». Et cette fois, ce n’est pas une histoire de neige trop molle, mais bien de 160 km de cailloux et de montagnes.

Le départ est une vraie fête. On est tous mélangés : les solos et les relais. Première règle du jour : ne pas se laisser embarquer par les dossards noirs des relayeurs, sinon ça finit en suicide tactique.

Je connais bien la première montée, et je sais qu’elle est traître. Beaucoup de portions paraissent « faciles », mais je choisis de marcher vite pour économiser. Objectif : arriver le plus frais possible à Pierrefitte. Tant pis si je me fais doubler, je préfère garder des forces. J’ai même mis la ceinture cardio sur cette première partie, avec une règle simple : dès que ça monte trop haut, je ralentis.

Jusqu’à La Mongie

En haut du col du Portet, on passe au-dessus des nuages : une mer de coton à perte de vue. Rien que pour ça, ça valait le départ.

La suite est tout aussi magique : refuge de Bastan, col du Bastanet… Forcément, ça bouchonne un peu, et avec une coureuse on rigole en voyant certains essayaient de doubler comme si la course se jouait là, au 30e km. Spoiler : j’en reverrai certains bien mal en point après Cauterets.

Dans la descente, je me ménage. Les jambes sont bonnes, mais je sais qu’un excès d’enthousiasme se paiera plus tard.

Avant La Mongie, il reste le fameux « mur du Serpolet » : humide, raide, glissant… mais ça passe. Puis descente vers la station, en plein brouillard. On n’y voit pas à dix mètres, ça glisse de partout et je me répète qu’il ne faudrait surtout pas se vautrer maintenant. J’entends déjà le public hurler, mais il me faudra bien dix minutes pour enfin voir les premiers spectateurs.

Et là : énorme surprise. Ma femme et ma fille m’attendent, déguisées avec d’énormes lunettes « Joyeux Anniversaire », en train de crier comme des folles. Frisson garanti. Elles ne peuvent pas entrer dans le ravito, mais une tente est prévue juste à côté. Je suis accueilli comme un roi, chouchouté… et j’ai même droit à souffler ma bougie ! C’était un moment magique, ma fille est super investie et ça fait plaisir de voir qu’elles apprécient le moment autant que moi.

Je profite pour bien manger, et je découvre ce qui deviendra mon carburant préféré sur les prochains ravitos : la soupe, ou n’importe quel bouillon chaud.

Pierrefitte – la base de vie

La montée au col de Sencours passe bien, et la vue sur le Pic du Midi est splendide. Ensuite, succession de cols : Bonida, Aoube, Bareilles… Au 50e km, je regarde la montre : déjà 4000 D+. Ça pique.

Puis descente interminable sur Pierrefitte. Pour moi, une fois en bas c’est tout plat jusqu’au ravito. On traverse la ville, on aperçoit les maisons, on court sur la route… et là, « Surprise, Surprise Motherfucker! » Un bénévole nous fait signe de tourner brutalement dans une pente. Un raidard énorme juste avant d’arriver.

Au début je crois à une blague, je regarde le profil de la course sur mon dossard… avec ma vue de quadra je ne vois rien. Plus tard je découvrirai qu’il y avait bien un petit “pico” dessiné.

À la base de vie, bonheur total : ma team est là. Je me change, brossage de dents façon Courtney, ça fait un bien fou après des litres de boisson sucrée.

Ma femme et ma fille devaient rentrer après Pierrefitte, mais elles décident de pousser jusqu’à Estaing. J’hésite un peu, tout est loin ici et chaque ravito c’est une expédition en voiture… mais elles sont motivées, alors je les laisse venir.

La crêpe fatale

Direction le Pouy Droumidé. Montée plutôt facile, je discute avec un gars super sympa jusqu’à Estaing. Au détour de la conversation, il m’avoue viser un podium. Là je me dis : « bon, ça y est, il est en pleine hallu ». Mais non : il a 20 ans, catégorie Espoir. Et effectivement, il finira premier en 40h30, tous les autres Espoirs ayant abandonné. Respect.

Estaing dernière fois que je vois ma petite team de choc de la nuit, je prend le temps, 20 min au moins. Au ravito je vois des crêpes avec du fromage et jambon par dessus, sur le moment je me dis c’est pas mal ça… grosse erreur! Je sais direct en sortant que ça ne va pas le faire.

Je ne le sens pas de suite et je me surprends à accélérer dans la montée au col d’ilhéou.

Je suis le rythme d’un breton et au bout de 2-3 km il me dit qu’il a déjà fait la diag et 2 fois l’ultra marin… Okay… un petit coup d’œil sur la montre on est à 850m de vitesse ascensionnelle, autant te dire que c’est pas censé être ma vitesse de croisière sur un ultra. Je mets rapidement le cligno, je commence à sentir la connerie que je viens de faire.

Mon ventre se réveille, la crêpe au fromage ne passera pas le col! Merci aux buissons de m’avoir sauvé la mise dans la fin de montée.

Nuit, brume et zombies

La descente vers Cauterets est dans le brouillard, visibilité 3 mètres max. Frustrant, il va falloir inventer les frontales anti brouillard…

En arrivant, ambiance étrange : une armée de morts-vivants, certains couchés par terre. Ça ressemble plus à une fin de soirée étudiante qu’à un ravito. Moi, je tiens, mais le solide ne passe plus. Je me rabat sur la soupe.

La montée au col de Riou se passe plutôt bien, mais je sens que j’ai pris un coup. Heureusement, en haut, les premières lueurs du jour me redonnent de l’énergie. Je descends sur une piste forestière et je vois alors le ravito de bederet en contrebas. Au bout de 800m, je me rends compte que je me suis trompé : j’ai loupé la bifurcation. Il y avait cinq fanions pour indiquer la descente… je n’en ai vu aucun. Ok, je sais je vais prendre rdv 🤷

Luz et la panne de montre

Deuxième base de vie à Luz. Mes amis sont là, joie immense, pendant trente minutes, j’oublie que je suis en course.

Mais juste avant, ma montre rend l’âme. Les 125 premiers km envolés. Mon pote balance : « Bah ça compte pas, c’est pas sur Strava, faut refaire ! » Merci…🥴

Je repars, montre à zéro mais jambes bien fatiguées.

Derniers gros morceaux

Direction Tournaboup, ça grouille de monde avec la jonction des 80, 120 et 160. Je rate ma team au ravito, mais je les retrouve dehors. Ultime coup de boost.

Puis vient la montée vers Hourquette Nère: L’enfer !! Je me fais doubler par les premiers du 80, mais chacun m’encourage. Ça me touche, je dois dire « merci » cinquante fois.

En plus d’être très forts, ils sont adorables ! Merde !

Le passage de Hourquette est un moment intense, les larmes arrivent toutes seules incontrôlables. Je ris et pleure en même temps, il faut dire que je ne suis plus très frais. Je me surprends à faire des petits pas de bourrés à quelque moments. Je n’ ai fait aucune sieste pour l’instant, autre grosse erreur, j’aurais dû la faire bien avant au lieu de tituber comme si j’avais 3 grammes. Je m’arrête 15 minutes avant la dernière montée vers Merlans. Une micro-sieste. Je sursaute au réveil, mais je me sens incroyablement mieux, l’esprit clair. Les jambes, elles, ne sont pas revenues… faut pas rêver.

L’arrivée

À Merlans, dernier ravito. Je calcule que je peux finir sous les 40 heures, mais il faudra serrer les dents dans la descente.Allez je me motive comme je peux, la douleur est temporaire, la fierté est éternelle.

On relance en petit groupe de dossards rouges, personne ne veut marcher dans les parties roulantes. Je descends plus vite que prévu, porté par l’envie d’en finir. Et puis, enfin, Vielle-Aure. Les deux derniers kilomètres sur le plat paraissent interminables… jusqu’à ce que j’aperçoive, à 100 m de l’arrivée, ma femme, ma fille, mes amis, et même de la famille que je n’attendais pas. Tout le monde est là avec des cloches et des cris. Une apothéose.

Le final est magique : le speaker me retient quelques secondes, annonce que c’est mon anniversaire… et d’un coup la musique démarre. Merci les copains 😁

Premier Ultra porté par mes proches qui ont grave assuré et surtout meilleur cadeau d’anniversaire ever ♥️

PS: j’arrive pas à faire des CR courts 🤷 , bravo aux courageux d’être arrivé à la fin et un grand merci pour tous vos messages pendant la course

Jérôme

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