Salut à tous ! Je vais essayer de vous raconter une belle balade pyrénéenne que j’ai eu le plaisir (…) d’effectuer il y a maintenant quelques semaines
Il faut quand même replacer un peu le contexte ! L’été dernier, la météo catastrophique ne m’avait pas permis de passer cette barre symbolique des 100km à l’occasion du Val d’Aran (course arrêtée). La Grande traversée des 100 miles Sud France ne faisant que 97,5km, la barre n’était pas franchie non plus.
Il fallait faire quelque chose !
Mes acolytes habituels s’étant décidés à tenter le tirage au sort pour l’UTMB (brillamment réussi d’ailleurs !), je devrais faire un choix seul. Vous me direz que j’avais qu’à les suivre, mais je ne me sentais pas prêt pour une telle distance. Il y a des marches à franchir avant !
Fin Octobre 2023, je rencontre Simon Accarié, l’un des 2 créateurs du GRP, à l’occasion de l’ouverture du Grand Raid Cathares, la nuit sur les sentiers à discuter avec lui finit de me convaincre, ce sera le GRP ! Il paraît que c’est un superbe événement, que les paysages sont magnifiques, l’orga nickel… Seul souci, c’est fin Août et passer l’été en mode prépa, c’est pas mon truc
Tant pis, on verra… Puis ils proposent un format 120km, le Tour des Cirques, exactement ce que je recherche.
Lolo et Cyrielle s’étant inscrits sur le TDL (80km/5000d+), encore une bonne raison d’aller se mesurer à ce GRP
Début Décembre, inscription validée, on part sur 120km/7500d+. Ça va, c’est dans plus de 8 mois, y’a le temps de se préparer ! Mais le temps passe vite… Quelques dossards accrochés dans l’année, Sainte Victoire, Barousse, et l’été est là !
Dernier gros weekend avant l’objectif à l’occasion du Luchon Aneto Trail et de son challenge 2×40. Écourté lui aussi pour cause de météo, décidément !
Weekend très sympa avec les copains, de bons moments Tarahumaresques, plutôt rassurant sur l’état de la machine, bref, tout va bien ! Objectif dans 1 mois et demi..
La suite sera un peu moins sympa. Quelques petits bobos à la reprise de la CAP, le boulot, les vacances, la prépa vraiment pas idéale. Mais bon, le gros a été fait dans l’année, y’aura des restes, ça va aller.
On s’adapte, un peu de vélo, quelques randos..
Jeudi 22 Août. On y est. Cyrielle m’accompagne dans ce périple, dossard récupéré, on retrouve Sonia et ses parents avant le briefing. On débriefe de la PicAPica de son père autour d’1 bière ou 2 (foutu pour foutu…) et il est temps de se rentrer, le réveil va sonner tôt !
Vendredi 23 Août. 4h. Le réveil sonne, la nuit a été courte. On a une heure de route jusqu’au départ qui est donné à Piau Engaly. Cyrielle me dit qu’elle n’a pas fermé l’oeil de la nuit, mais elle m’accompagne quand-même, quel soutien !
De mon côté, le moral est bon, ça fait 2 semaines que je suis impatient j’ai hâte que ça commence !
Aller, on abrège, 7h, départ !
Le départ est donc donné dans la station de Piau, aux pieds des pistes. Ce n’est pas l’ambiance d’un départ au centre du village de Vielle-Aure, mais le speaker est efficace..
On y apprend d’ailleurs que nous sommes 680 au départs, pour 800 inscrits. Je reste toujours sidéré devant ce nombre de non-partants. Surtout quand on voit à quelle vitesse les dossards partent, quelques heures à peine dès l’ouverture des inscriptions ! Bref, autre débat..
On part pour une petite boucle dans la station. Franchement pas intéressant, on monte et redescend par des pistes, c’est pas spécialement beau, c’est pas technique, bof.
2 gros avantages par contre, ça étire le peloton, on est nombreux mine de rien et on repasse au départ, ça qui permet de refaire un bisou à mon accompagnante préférée
6,5km/650d+. Tout va bien pour le moment, la montée, qui se termine par un bon raidillon, se passe pas trop mal, les jambes répondent bien. La descente par une large piste est rapidement avalée, 1h15 d’écoulée, on est bien. Petit arrêt rapide au ravito, saucisson/fromage/chocolat, quelques mots à Cyrielle, un bisou et on repart..
Là on rentre vraiment dans le sujet, direction Gédre par le Port de Campbieil.
On repart par les pistes de Piau avant de rapidement bifurquer. Des Pierriers, de la neige en vue sur le Col, on est bien en montagne.
800m de dénivelé positif sur environ 6km puis la bascule et looongue descente (+ de 10km) sur Gèdre ! (Étienne, tu avais tout à fait raison dans ton commentaire sur une photo, elle détruit bien les quadris )
Les sensations ne sont pas excellentes, jambes lourdes, bassin verrouillé, l’impression d’avoir fait une grosse sortie la veille… Mais ça se passe bien, en restant sur la retenue, je suis en avance sur les prévisions de LiveTrail (qui est d’ailleurs bien plus optimiste que mes propres prévisions)
Quelques hectomètres parcourus avec Cyrielle qui a juste eu le temps d’arriver en voiture et 1er vrai ravitaillement.
23km/1500d+, 4h30 de course. Quelques places grapillées, mais ça, on s’en fout.
Je profite un peu de mon accompagnante, je sais qu’on se verra au prochain ravitaillement à Gavarnie puis les retrouvailles seront à Vielle-Aure à son arrivée le lendemain soir…
Aller, c’est parti, direction Gavarnie ! 900m de d+ sur les 4-5 premier km puis du vallonné descendant sur 10 bornes. Les sensations sont meilleures, je m’amuse en descente
La brèche de Rolland, la cascade de Gavarnie, putain, c’est beau quand-même !
Arrivée à Gavarnie, je retrouve mon assistance 5*. Je refais les stocks de bouffe pour tenir jusqu’à la base de vie de Luz où m’attends un sac de délestage. Et, petite surprise, un paquet à ouvrir en cas de coup dur, spoiler, il servira, merci
On en est 37km/2500d+, 7h15, toujours en avance. Arrêt un peu plus long, je profite, on va rentrer dans le dur..
Un copain qui est du coin et avait fait cette même course l’an dernier m’avait prévenu : « ils ont changé le tracé pour sortir de Gavarnie, ils vous ont soignés ! »
Effectivement, il n’a pas menti, la partie qui arrive, quoi que magnifique, est sacrément costaud !
La montée vers les Especières est un mur ! 3,5km/900d+, le ratio d’un KV. Mais on en a déjà un peu dans les pattes et il en reste..
Et c’est là que ça commence à être moins sympa. Le genou droit qui commence à sérieusement couiner. Le TFL, que la majorité des coureurs ont bien connu un jour, qui décide de se rappeler à mes bons souvenirs
La descente vers le ravito, par une piste de ski, bien raide, est compliquée, chaque foulée fait mal. Un peu tôt dans la course pour avoir ce genre de douleur. Moral un peu attaqué et curiosité exacerbée, j’ouvre mon paquet surprise, des petits mots, des photos, quelques douceurs caramélisées , je fond…
44km/3300d+, 9h30. Toujours en avance.
Politique de l’autruche, je me ravitaille et repars. Il n’y a pas de difficultés particulières jusqu’à Gèdre (retour), les paysages sont magnifiques, l’orage qui se forme au fond du cirque est inquiétant mais Mr Météo m’a dit que ça resterait en Espagne, je suis confiant.
En discutant avec un autre coureur, j’apprends qu’il y a un passage plutôt technique (avec cordes !) après Gèdre et qu’il serait préférable de le passer avec la lumière du jour, ok, on traine pas.
Ça trottine bien, mais le genou fait mal. Je ne sais pas jusqu’où ça tiendra, mais je commence à sacrément douter d’aller au bout.
Arrivée au ravito de Gèdre, le même qu’il y a quelques heures, mais seul cette fois-ci.
Mon assistance de luxe est rentrée. Elle a son dossard à récupérer et surtout un réveil qui va sonner à 3h du mat’ ! Et vu la nuit dernière et cette journée à me suivre, il faut qu’elle se repose..
Perite soupe, charcuterie et fromage, le plein d’eau, je me bricole un strap autour de la cuisse pour limiter la douleur au genou, je soigne une ampoule et go !
58km/3800d+, 12h15.
Il est 19h30, on est un petit groupe de 4, un couple, le gars avec qui je discute depuis les Especières et moi. On repart en sous bois, certains sortent déjà les frontales, c’est vrai qu’il commence à faire sombre sous les arbres.
On arrive à ce fameux passage technique ! Au final, pas si fou, un à-pic qui serait fatal, c’est vrai, les cordes sont rassurantes.
En se retournant vers le Cirque de Gavarnie que l’on quitte, l’orage et le soleil qui se couche nous offrent une vue magnifique, pause photo..
2 petites bosses puis la descente vers Luz.
On arrive sur la ville, mais la trace part à droite, l’impression de contourner la ville, un gros morceau de route puis le ravitaillement. La douleur est vraiment trop présente, je n’arrive plus à courir, les descentes, même en marchant sont très difficiles, la grosse pause à la base de vie va faire du bien.
On en est à 72km/4400d+, ça fait 16h qu’on est dehors, il est 23h20.
Je décide d’aller dormir avant toute chose. Je crois que j’ai besoin d’oublier mon genou et qui sait, peut-être qu’au réveil tout sera rentré dans l’ordre ? On en parle de la lucidité du type ??
Quelques messages, ma fille qui me dit de ne jamais abandonner, Cyrielle qui me dit que leur course est réduite à 60km et m’encourage à fond, les copains, le TaraGroupe..
Marie-Anne qui me rappelle une parole : « la douleur n’est qu’une information » Quel abruti a pu dire ce genre de connerie !?
Je règle mon réveil à 1h du matin.
Erreur stratégique, je vais passer 1h30 à essayer de dormir sans jamais y arriver. Entre les mecs qui ont mis le réveil sur leur téléphone (le vibreur ça existe bande de nazes !), ceux qui se changent, fouillent dans leur sac, l’ambiance de la base de vie… 1h30 perdue. Et toujours aussi mal.
Tout se mélange dans ma tête. D’autant que ce qui nous attend en sortant de la base de vie n’a pas l’air simple..
Je n’arrive pas à me décider. Je dors un peu là, au chaud, je mange et je rentre en bus pour voir le départ de Cyrielle et Lolo à 5h ? Je continue un peu et on verra ?
Je me résous à arrêter là. Il reste plus de 50km, 3000 de dénivelé positif, du technique, ça va être horrible, je le sens vraiment pas. J’ai mangé. Il est 2h. Je me dirige vers la table de sortie où un bon nombre de dossards s’accumule déjà. Le mien va les rejoindre. Les toilettes sont sur le chemin, je m’arrête pisser, et va savoir ce qu’il se passe dans ma tête, mais je passe devant cette foutue table sans m’arrêter ! Je repars, on verra bien ce qu’il se passe..
2h30 d’arrêt et seulement 9 places perdues, ça en dit long sur le nombre d’abandons !!
Bon, maintenant, faut assumer
Direction le refuge de la Glère. Profil assez simple, une 1ère bosse 3km/600d+, un plateau de 3-4 km, une 2nde bosse 4km/1000d+. Bref, ça monte !
Des mecs et nanas dorment un peu partout au bord des chemins. C’est eux qui ont raison ! Dans le noir, au calme, j’aurai dû faire ça ! À retenir pour le prochain…
Les montées passent pas trop mal, douleur très supportable, j’arrive à avoir un rythme plutôt correct, je double même quelques coureurs, je profite du moment.
L’arrivée au refuge est folle ! Les 2 lacs, l’un au dessus de l’autre, le refuge, les gens, le soleil qui commence à se lever, c’est magnifique ! Vraiment aucun regret d’être reparti. Une petite sieste la tête sur une table et il est temps de repartir.
85km/6100d+, un peu moins de 24h de course. Trop de pauses
Le chrono n’est plus important, c’est accepté. Si j’arrive au bout, ça sera déjà bien.
La descente vers Tournaboup depuis le refuge de la Glère se fait par des pistes de 4×4, c’est pas technique mais c’est raide, j’arrive à un peu trottiner par moment, mais très peu, ce genou me fait vraiment mal dès que la flexion dépasse un certain angle. Et il est pas grand cet angle !
Malgré tout, j’avance. Je double même. Très étonné de l’état de certains de mes compagnons de route..
L’arrivée au ravitaillement se fait par une route nommée « Voie Laurent Fignon », étonnement, ça monte
Ces 7km de descente vont vraiment laisser des traces. 93km/6200d+, 25h45 de course et un genou dans la boîte à gants.
Je ne peux plus courir que sur la route, quand il n’y a pas besoins de lever les pieds (et donc de plier le genou), tout le reste, c’est en marchant que ça se passe.
Il y a un proverbe sur le GRP : « à Tournaboup, tu vas au bout »
Je me le répète sans cesse.
Mais quel est l’abruti (bis) qui a sorti ça ?? Il reste 30 bornes et 1500 de d+
Non, mais il a raison quand-même, on va pas lâcher là, pas après s’être fait aussi mal ! Il reste 1 grosse et 1 petite bosse, ça, ça me fait pas peur, par contre les 2 descentes qui suivent chaque bosse, ça, je les crains vraiment.
Aller, c’est parti, direction Aygues-Cluses et sa cabane. Une montée sèche, 6,5km/700d+. Enfin, ça c’est sûr le profil..
En fait, c’est plutôt une longue montée douce qui, petit à petit, devient de moins en moins douce et termine bien raide !
On croise pas mal de randonneurs, de familles, le coin est superbe, de grandes prairies, des ruisseaux, vraiment joli.
Ravitaillement à Aygues-Cluses, mon téléphone décide d’apprendre à nager dans la soupe au vermicelles…
On retrouve du réseau, petite pause pour lire quelques messages, ça fait du bien, les messages reçu dans la nuit mais pas vus..
Un petit appel à Cyrielle pour prendre et donner des nouvelles. Le message de Marie-Anne qui me dit qu’elle m’attend aux Merlans au prochain ravitaillement, trop bonne surprise ! Les encouragements de Sonia, tous les messages de la conf’, les copains qui préparent leur UTMB et me suivent, ça requinque !
99km/6900d+, 28h20 de course.
La barre symbolique approche !!
Mais avant ça, faut passer la Hourquette de Nere et c’est un beau morceau !
Tellement que je n’arrive pas à croire que c’est par là qu’on va passer en le voyant en face, impossible, c’est trop !
Du coup, petite sieste dans l’herbe avant de s’y lancer
Encore un fois, la montée se passe bien, je monte toujours bien. Et la vue là-haut !!
La succession des lacs, jusqu’au lac de l’Oule, impossible de tous les compter, c’est beau le Néouvielle
Les sentiers qui longent les lacs sont techniques, on saute de pierre en pierre, j’aime tellement ce genre de chemins, je rage de ne pas pouvoir courir, musculairement ça va, niveau fatigue aussi, si seulement ce satané genou ne faisait pas des siennes !!
Passé le lac de l’Oule (pratiquement vide), on remonte vers le restaurant des Merlans, ça tombe bien, les montées me conviennent mieux depuis quelques temps
Ce qui m’inquiète, c’est que plus on monte plus il va y en avoir à descendre après
Je retrouve Marie-Anne un peu avant le ravitaillement, ça fait du bien de voir une tête connue !
Dernier ravitaillement. 110km/7400d+, 32h30. Le rythme a sacrément chuté.
Marie-Anne m’accompagne sur la dernière côte, elle doit aller reprendre la télécabine pour rentrer de toutes façons…
Et l’orage annoncé en fin de journée commence à menacer, faudrait pas qu’elle ait à descendre à pieds elle aussi
Col de Portet passé, la descente qui suit, par les pistes de ski (trace de repli à cause de l’orage qui arrive) est horrible ! Même en marchant je n’y arrive plus, c’est trop raide, le genou me fait vraiment souffrir.
C’est pas très long, peut-être 3 ou 4 km avant de retrouver des sentiers plus « faciles », mais je vais y passer un temps fou et y laisser beaucoup d’énergie.
C’est le moment de sortir l’arme secrète : les Dragibus bien sûr ! Et les gros, hein, pas les petits…
Je vous passe ce long calvaire.. Les 2 derniers km sont sur la route puis en bord de ruisseau, très lisse, j’arrive à trottiner, pas vite, mais toujours plus qu’en marchant, on est là pour une course ou une rando ??
Le dernier km c’est la folie, du monde partout, ça applaudit, ça klaxonne, ça crie, ça encourage…
Jusqu’au pont à 100m de l’arrivée où il y a tellement de monde que tu dois te frayer un chemin !! Je vois les enfants de Cyrielle surgir de nulle part ! Ils passeront la ligne d’arrivée avec moi et le traditionnel « Et nos amis des Taras de Muret » du speaker
124km/7500d+, 36h, 15min de sommeil en 2 fois, 1 paquet de Dragibus, des litres de soupe, de Coca et d’eau, pas mal de saucissons et de fromages aussi…
325ème (on s’en fout !) sur seulement 398 finishers, presque 300 abandons, fou !
Quelle aventure ! Très heureux d’être arrivé au bout, d’avoir réussi à continuer, à me remobiliser malgré la déception, un petit goût d’inachevé tout de même…
Faudra revenir
Un énorme merci à tous, on ne se rend pas forcément compte du poids que peuvent avoir tous les petits messages, les encouragements tout au long de ce genre de périple.
Merci Sonia et Marie-Anne pour les petites attentions particulières, merci les copains qui ne liront probablement pas ce CR et un très très gros merci particulier à mon assistance de luxe, ma compagne « d’idées de merde », qui sait où appuyer, qui sait quoi dire, pour me faire avancer malgré tout
Ah oui ! Et je vous ai pas dit !! À peine le temps de récupérer ma médaille, mon cadeau finisher, boire un coup, que Cyrielle est annoncée sur l’appli comme presque arrivée ! J’ai failli la rater bordel !!
L’orage ne nous a pas ratés par contre, quel déluge !
À bientôt pour de nouvelles aventures